Rencontre avec Loïc ZEHANI jeune prodige de l’escalade française

C’est dans le magnifique site des falaises de Russan au-dessus d’un méandre du Gardon , que nous retrouvons Loïc  Zehani et son père Christophe lui aussi grimpeur de haut niveau et équipeur. Loïc y travaille une voie extrême au nom évocateur : « Les yeux plus gros que le ventre » 9 A+ , une voie mythique libérée par Seb Bouin le meilleur grimpeur  français en milieu naturel. C’est l’occasion de faire connaissance avec ce jeune prodige de l’escalade française qui à 18 ans a déjà enchainé plusieurs 9èmes degrés.

Loïc baigne dans le milieu de l’escalade depuis toujours, accompagnant son père sur tous les sites de Provence depuis sa plus tendre enfance. Il a commencé à vraiment grimper à l’âge de 10 ans et vraiment d’une façon intensive vers 14 ans avec une régularité de 4 à 5 séances par semaines. Découvrons un peu plus ce jeune grimpeur.

Loïc, comment as-tu commencé l’escalade et qu’elle est ta motivation pour l’escalade en falaise, pour toi qui fais partie de la génération résine ?

C’est mon père qui est un passionné qui m’a donné envie. Pourtant au début j’étais peu motivé et vers 14 ans il y a eu un déclic et c’est devenu pour moi aussi une passion. J’ai alors commencé à grimper régulièrement enchainant 5 à 6 séances par semaine dans les sites les plus variés. Dès cette époque c’est le milieu naturel qui m’a le plus motivé. L’escalade en milieu naturel est l’essence même de cette activité. Chaque voie a sa particularité, sa « personnalité ». Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que chaque voie porte un nom. Nom qui parfois devient mythique et va motiver des générations de grimpeurs. Chaque falaise a son identité, ses styles. J’aime user mes doigts dans des sites historiques comme Buoux, Ceuse et plus près de chez moi les Alpilles avec des lieux là aussi historiques comme Le Canal à Orgon où encore le secteur de la bergerie où j’ai équipé et réalisé « Poisson pilote » 9B.

Quelles sont les voies et les sites qui, pour le moment, t’ont le plus apporté dans ta progression ?

J’habite Salon de Provence au bout des Alpilles et surtout pas loin d’Orgon où dans les années 2000 le secteur du Canal était un vrai laboratoire de l’escalade extrême où mon père grimpait beaucoup. Et naturellement j’y ai fait mes premiers pas dans l’extrême en essayant et réussissant des voies qui ont marqué l’escalade de très haut niveau. Ce fut un de mes premiers 8 B avec par exemple « Géant de Papier » puis la réussite du « Bronx » 8C+ qui me motiva  énormément et aussi la réussite de « Sachchidananda » 9 A.  Puis ce fut le secteur de la bergerie avec le secteur de la maison du bonheur, ce secteur où l’année dernière j’ai équipé ma première voie « Into the Wild » et ensuite une autre dizaine d’autres que j’ai également réalisées dont « Poisson Pilote » 9B.

Au-delà de ces lieux qui sont les plus proches de chez moi, j’adore la falaise de Buoux, un site grandiose que j’affectionne particulièrement et qui correspond parfaitement à mon style d’escalade. J’y ai réussi la mythique ligne « d’Azicourt », le premier 8C français libéré par l’anglais Ben Moon en 1989 ainsi que Brexit Exit qui en est le prolongement et qui mérite 8 C+ le premier de Buoux. Dans cette falaise j’ai encore progressé en force à doigt qui est mon point fort ce qui m’a motivé pour me mettre un autre projet en ligne de mire, « le bombé bleu ». Il y a encore du travail, mais j’ai bon espoir et le temps.

J’apprécie énormément aussi la falaise de Ceuse, avec des lignes superbes, dans un autre cadre grandiose. Mais au-delà de ces sites historiques, je suis toujours en quête de spots divers et variés qui me permettent de rencontrer d’autres grimpeurs et d’autres styles d’escalade, c’est ça la richesse de la grimpe en falaise.

Alors que l’escalade va devenir sport olympique à Tokyo pourquoi ne pas t’être mis plus sérieusement à la compétition ?

J’ai fait de la compétition. Toutefois, ce n’est pas ma tasse de thé. Je n’ai jamais ressenti le plaisir de la falaise. De plus l’évolution des voies de compétition avec les gros modules s’apparente de plus en plus à de l’acrobatie peut-être parce que c’est plus spectaculaire, plus visuel pour les médias, mais ça dévalorise, je pense, l’escalade difficile qui reste la tenue des prises et pas simplement les équilibres et mouvement gymniques. De plus, ça nécessite une préparation spécifique qui demande beaucoup de temps. Je préfère vraiment me mettre la « mine » dans des mouvements et blocages extrême en falaise. De plus il me parait important justement dans cette période où on parle de plus en plus de l’escalade de compétition, de mettre en valeur la pratique naturelle outdoor qui est l’essence même de l’activité sur les falaises du monde entier.

Quels sont  tes futurs projets ?

Je voudrais vraiment réaliser cette ligne à Russan : «  les Yeux plus gros que le ventre », pas vraiment dans mon style, mais qui est une magnifique ligne qui a fait rêver des générations de grimpeurs dans ce bel endroit. Un projet aussi dans le Frankenjura où j’ai grimpé lors d’un rassemblement Edelrid « Action Direct » 9a équipé dans les années 80 par Milan Sykora et libéré en 1991 par wolfgang Gullich et plein d’autres projets d’ouvertures ici et ailleurs.

Au passage je remercie mes sponsors EDELRID et TENAYA ainsi que mon, père et mes compagnons de grimpe.

Propos recueillis par Serge Jaulin

Photos : Serge Jaulin

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