Défi Kilimandjaro – On détone contre Huntington
Notre magazine RESPIREZ souhaite mettre en avant l’association «On détone contre Huntington» qui lutte contre cette maladie orpheline à travers des défis sportifs et solidaires. Une belle aventure humaine incarnée par les deux fondateurs de cette association Charline et Théo que nous vous proposons de rencontrer.
INTERVIEW
CHARLINE ET THÉO, QUELS SPORTIFS ÊTES-VOUS ET QUELLE CAUSE DÉFENDEZ- VOUS ?
Théo : j’ai 19 ans je viens de terminer mon lycée avec l’obtention du Baccalauréat et j’entre en IUT à Caen cette année et je suis vice président de l’association «On détonne contre Huntington».
Charline : j’ai 22 ans, je suis étudiante en dernière année d’école de commerce à Rouen et j’entre en alternance chez Paris 2024. Je suis également présidente de notre jeune association «On détone contre Huntington». L’objectif de cette association est de faire parler de la maladie d’Huntington dont est atteint notre Papa. Cette maladie est une dégénérescence neurologique, héréditaire, incurable et orpheline. Elle concerne environ 7.000 personnes en France et on ne la soigne pas aujourd’hui. Notre objectif est de faire parler au maximum de cette maladie pour faire avancer sa cause. Et la manière dont on s’y prend est d’organiser des défis sportifs. On met chaque année notre corps à l’épreuve autour de défis sportifs extrêmes.
QUELS ONT ÉTÉ LES PRÉCÉDENTS DÉFIS ORGANISÉS PAR VOTRE ASSOCIATION ?
Théo : Tout d’abord Charline a gravi le Mont Blanc avec Nicolas, un très bon ami de notre papa. Ensuite on a traversé la France à vélo en une semaine. Soit 1.000 km en 7 jours. L’année dernière on a décidé de rejoindre Caen, où nous habitons, à Paris en courant. Soit plus de 200 km et l’équivalent de 5 marathons en 48 heures. L’été dernier on a décidé de traverser l’Europe de l’Ouest à vélo depuis Pampelune en Espagne jusqu’à Oslo en Norvège soit 3.000 km en 15 jours. Et cette année le défi était de gravir le Kilimandjaro avec une équipe de trente personnes avec comme personnage principal notre Papa qui allait réaliser cette ascension.
ÉTAIT-CE LA PREMIÈRE FOIS QUE VOTRE PAPA PARTICIPAIT À VOS DÉFIS SPORTIFS ?
Charline : Pas vraiment, ça fait quelques années qu’on l’a inclus dans nos défis. Il nous rejoint sur les parcours. Par exemple quand nous avons fait les 200 km de course à pied, il a réalisé avec nous le dernier marathon. Quand on a traversé l’Europe en vélo, il nous a rejoint à Paris et nous avons fêté son anniversaire sur le parcours. Mais c’est la première année où il est au cœur du défi.
COMMENT VOUS- ÊTES-VOUS PRÉPARÉS POUR CETTE ASCENSION DU KILIMANDJARO ?
Charline : Le Kilimandjaro c’est un sommet à pratiquement 6.000 m donc ça demande un entrainement sérieux. On avait tous un programme d’entrainement qu’on a plutôt suivi. Papa est sans doute la personne qui a le plus suivi son programme. Préparation physique et médicale avec son kiné. Il a passé un batterie de tests pour être sûr qu’il pouvait participer à ce défi en toute sécurité et pas de contre-indications par rapport à sa maladie.
QUELLE ÉTAIT LA TAILLE DE L’ÉQUIPE MOBILISÉE ET COMMENT ÉTAIT- ELLE COMPOSÉE ?
Théo : On était 30 européens à partir. Des amis, le famille et des membres de l’association. Mais il fallait aussi prévoir des porteurs et des guides locaux. Au final nous étions environ 120 personnes sur toute l’ascension.
TECHNIQUEMENT, VOTRE PAPA ÉTAIT IL PORTÉ SUR TOUT LE PARCOURS OU POUVAIT IL MARCHER ?
Théo : On avait prévu une Goélette pour qu’il se repose un peu et qu’il franchisse les parties les plus difficiles et également pour la descente. Mais au final, il a pratiquement marché toute l’ascension. Les quatre premiers jours de marche il ne l’a pas utilisée. Le dernier jour, c’était l’ascension finale jusqu’à 5895 m, il a marché la plupart du temps mais un moment on avançait trop lentement et c’était un peu compliqué et il a utilisé la goélette 1 h en fin d’ascension porté par 8 porteurs.
“il était tellement concentré sur sa marche et sur son objectif... ”
Charline : Ce qui est fou c’est que Papa est une des rares personnes qui n’a pas connu le mal des montagnes. Et quand on lui demande comment s’est passée son ascension, il avoue que c’était quand même dur physiquement mais ça s’est passé beaucoup mieux que pour beaucoup d’autres participants qui ont souffert du mal de l’altitude et qui ont eu mal à la tête notamment. C’est un peu un mystère car il n’était pas plus préparé que les autres à l’altitude mais c’est peut-être dû au fait qu’il était tellement concentré sur sa marche et sur son objectif de parvenir au sommet que son corps a mobilisé toutes ses ressources pour y parvenir et n’a pas laissé de place au mal des montagnes.
COMMENT S’EST PASSÉE L’ARRIVÉE AU SOMMET ET QUELLES ONT ÉTÉ VOS SENSATIONS ?
Théo : Je pense que chacun a vécu sa propre arrivée. Déjà le groupe a été divisé en plusieurs sous-groupes. Nous étions le dernier groupe à arriver. Certains étaient arrivés depuis plus d’une heure. Et quand nous sommes enfin arrivés au sommet, on a vu une grande joie sur tous les visages, beaucoup d’émotions et des larmes de joie. J’étais un peu dans mon effort mais dans les derniers mètres j’ai pu voir l’émotion de chacun.
Charline : Moi ça faisait bien 1 ou 2 km que je voyais le sommet et je prenais de plus en plus conscience qu’on allait y arriver et l’émotion montait de plus en plus. Et au moment où ils nous ont vus depuis le sommet ça a été une vague d’émotion. En effet, ils nous attendaient depuis un long moment et beaucoup pensaient qu’au vue de la difficulté nous aurions peut-être renoncé. Et il s’est formé une marche un peu religieuse sur les derniers mètres. Ils se sont tous mis en arc de cercle, certains chantaient, beaucoup pleuraient. On est arrivés au panneau du sommet et même les porteurs étaient dans l’émotion alors même qu’ils font cette ascension plusieurs fois par mois. Ils voulaient tous leur photo avec Papa. C’était un moment très fort qui récompensait tous les efforts de cette aventure.
ET VOTRE PAPA, COMMENT A-T- IL VÉCU CETTE ARRIVÉE ?
Charline : Il n’a pas forcément expliqué ce qu’il a ressenti mais on voyait bien sur son visages toutes les émotions passer : la fatigue due à l’effort mais surtout la joie d’y être arrivé. Il s’est posé au pied du panneau et il n’a plus bougé pendant 10 minutes, à la fois pour apprécier ce moment et parce que tous les participants au défi voulaient leur photo avec lui à l’arrivée.
ET COMMENT S’EST PASSÉE LA DESCENTE ?
Théo : Pour beaucoup d’entre nous ça a été un peu difficile parce qu’on était concentrés sur l’arrivée au sommet mais l’effort pour descendre n’est pas négligeable. On s’était tous relâchés alors qu’il fallait rester concentrés pour bien redescendre. Pour Papa, il est descendu majoritairement en goélette donc ça a été assez rapide même s’il a eu un peu mal au dos du fait des chocs.
C’EST VOTRE OPÉRATION LA PLUS IMPORTANTE DEPUIS LE DÉBUT DE L’ASSOCIATION. COMMENT AVEZ-VOUS FINANCÉ TOUT ÇA ?
Charline : L’ascension du Kilimandjaro est assez chère. Il faut obligatoirement passer par une agence locale et ça revient à 1700 $ par personne. C’est tout compris hors billet d’avion. Mais chaque participant a couvert ses dépenses. Les seuls frais pris en charge par l’association concernaient l’ascension de Papa, la location de la goélette, etc. Et les frais de communication ont également été supportés par l’association à savoir : le photographe, un reporter, un community manager.
AVEZ-VOUS EU DES SOUTIENS POUR CETTE OPÉRATION ?
Charline : On a eu trois sponsors principaux. Aésio Mutuelles, Groupama et Crédit Mutuel qui suivent l’association. Groupama par exemple nous soutient depuis 3 ans. Chaque année on essaie de trouver de nouveaux sponsors pour financer nos nouveaux défis.
QUELS ONT ÉTÉ LES EFFETS PERCEPTIBLES DANS L’ÉVOLUTION DE LA MALADIE DE VOTRE PAPA ?
Charline : Quand on lui a annoncé qu’on souhaitait se lancer dans ce défi, il était fou de joie. En effet, ça fait plusieurs années qu’il ne partait plus trop en vacances et que ses déplacements se limitaient à se déplacer de son domicile, à son travail et chez l’orthophoniste. C’était un vrai rêve pour lui de s’attaquer au Kilimandjaro. Et il y a eu vraiment un tournant chez lui. En 6 mois ça a plus avancé qu’en 10 ans. Il a accepté de mettre en place plein de choses comme être suivi par un Kiné. Il a été beaucoup plus motivé à suivre ses soins. Il voulait être bien préparé et il retrouvait le goût à la vie. Il avait un nouvel objectif de vie. L’orthophoniste nous disait qu’elle voyait un réel progrès dès l’annonce de ce défi et au retour ça a été encore plus spectaculaire.
Théo : Beaucoup de gens qui l’ont croisé après ce défi nous disaient que son regard avait changé et qu’il est plus souriant, heureux et plein de vie. Les bénéfices sont bien au-delà de ce qu’on espérait et se poursuivent plusieurs semaines après cette ascension.
Charline : Et on voit une vraie amélioration par rapport à la maladie. Il a retrouvé un usage de la parole plus compréhensible. Le fait qu’il ait dû échanger avec plein de monde pendant cette semaine l’a restimulé et il parle beaucoup mieux.
APRÈS CE BEAU DÉFI, QUELLES SONT VOS IDÉES POUR LA NOUVELLE SAISON QUI S’ANNONCE ?
Charline : Notre objectif est de continuer à inclure notre Papa au maximum dans nos prochains défis pour leur donner encore plus de sens et faire parler de la maladie. On aimerait bien participer à un triathlon longue distance avec lui et pourquoi pas sur le triathlon de Deauville. L’enjeu va être de réussir à trouver un matériel adapté pour qu’il puisse fournir un effort mais en toute sécurité.
L’échéance est en Juin 2023 et on a plusieurs mois pour se préparer, pour trouver ce matériel adapté et se mettre d’accord avec les organisateurs. On va se mettre en quête de sponsors et de soutiens pour mener à bien ce projet. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.
RESPIREZ sera parmi les partenaires de ce projet et apportera son soutien à travers sa communauté et ses contacts. Rendez- vous lors de nos prochaines publications sur le sujet.
POUR ALLER PLUS LOIN : Retrouvez l'intégralité de l'interview en vidéo
Plus d'infos sur :
https://www.instagram.com/on_detonne_contre_huntington/?hl=fr
Propos recueillis par : Eric Delattre
Photos : Valentin Valette