WESTERN STATES : une descente en Californie

En juin dernier s’est déroulée la 45e édition de la Western States, aux Etats-Unis. Tout simplement l’un des ultra-trails les plus anciens du monde qui relie la station de sports d’hiver de Squaw Valley à la ville d’Auburn, en Californie.

TEXTE : Luc Beurnaux

Photos : Luis Escobar

La Western States Endurance Run est l’un des mythes fondateurs du trail-running, qui ne portait pas encore ce nom, en 1974, lorsqu’un hurluberlu répondant au nom de Gordy Ainsleigh effectua la liaison Squaw Valley-Auburn, à pied, sur 100 miles, en moins de 24 heures (23h42 exactement, selon les archives). Le coureur chevelu voulait prouver que la Tevis Cup Ride - une course de chevaux organisée sur ce même parcours depuis 1955 - était réalisable à pied, dans les barrières imparties aux cavaliers et leurs montures (24 heures maxi). Un défi un peu loufoque, de ceux qui fondent des mythes, et qui débouchera finalement sur la création d’une des courses de trail-running les plus prisées de la planète.

En 1977, lors de la première édition officielle de l’épreuve pédestre, ils sont 14 pionniers à se joindre aux cavaliers et chevaux. Au fil des ans, le succès populaire ne se démentira pas, si bien que l’épreuve pédestre finira par se désolidariser de l’épreuve équestre, et prendra sa place propre au calendrier, au mois de juin, un mois avant l’épreuve équestre.

Depuis 45 ans désormais, le dernier week-end de juin est une date marquée au fer rouge par tous les amateurs de trail-running. Mais encore faut-il bénéficier d’une once de chance pour vivre le mythe. Les places sont en effet très chères sur l’épreuve. Comme sur toutes les épreuves « outdoor » des Etats Unis empruntant des Parcs Nationaux, le nombre de coureurs est restreint, afin de limiter l’impact sur l’environnement.

Un peu plus de 350 coureurs sont ainsi autorisés à emprunter le parcours traversant le massif de la Sierra Nevada, entre Squaw Valley et Auburn. Un système de loterie / tirage au sort est donc mis en place pour désigner les heureux participants. Depuis la station de sports d’hiver de Squaw Valley, site des JO 1960, les concurrents empruntent, sur 100 miles (161km), un parcours sauvage, au profil plutôt descendant, et plutôt roulant.

Les trailers suivent en fait une portion du Western States Trail, un GR à l’américaine, qui relie Salt Lake City, en Utah, à Sacramento, en Californie. Une progression sur la trace des chercheurs d’or et d’argent du XIXe siècle, qui cherchaient une voie de communication entre les mines d’or de la région d’Auburn, et celles d’argent de Comstock Lode, dans le Nevada. Au programme, 5500m de dénivelé positif tout de même, et 7000m de dénivelé négatif. Ce qui en fait une épreuve assez inédite et spécifique dans le paysage des ultra-trails mondiaux. D’où une préparation spécifique indispensable pour les concurrents, qui devront s’attendre à devoir courir un maximum sur ce tracé, du moins beaucoup plus que sur certains autres ultra-trails moins roulants.

De nombreuses autres difficultés émaillent le parcours de la Western States, qui traverse de nombreuses forêts de hauts séquoias : les huit premiers kilomètres sont ainsi exigeants, avec une ascension de 800m de dénivelé jusqu’au fameux Emigrant Pass, ou la traversée du gué de Rucky Chucky ; là, les concurrents doivent s’accrocher à une corde pour traverser la rivière, et enfiler un gilet de sauvetage. Mais la pire des difficultés locales, c’est bien l’amplitude thermique que les coureurs doivent affronter. De Squaw Valley (1890m d’altitude), où les températures peuvent être très fraîches, les concurrents descendent vers Auburn, dans une ambiance de fournaise qui s’amplifie au fil des kilomètres, et qui provoque chaque année de nombreuses défaillances.

Autant d’ingrédients qui font le charme et la spécificité de la Western States, convoitée par les plus grands. En 45 éditions, les Américains, et Nord-Américains, n’ont laissé que les miettes aux trailers venus de l’étranger. Seul Kilian Jornet (ESP) et le Sud-Africain Ryan Sandes ont inscrit leur nom au palmarès. Toutes les autres éditions ont vu des coureurs américains (ou canadiens) l’emporter. Idem chez les filles. Ellie Greenwood, la Britannique et recordwoman de l’épreuve en 16h47, est la seule athlète «non-américaine» à l’avoir emporté.

L’édition 2018 de la Western States fut une édition très attendue, en raison de l’affrontement annoncé entre Jim Walmsley, la nouvelle pépite du trail américain, et François d’Haene, l’un des leaders mondiaux d’ultra-trail. Le premier voulait enfin concrétiser ses objectifs sur la distance mythique du 100 miles (après deux échecs et abandons retentissants en 2016 et 2017 sur cette épreuve alors qu’il caracolait en tête) ; le second voulait sortir de sa zone de confort, se mettre en danger sur un tracé qui ne correspondait pas forcément à ses qualités premières.

Et cette édition 2018 de la Western States aura tenu toutes ses promesses, avec un Walmsley étincelant, qui écrasera la concurrence jusqu’au dernier kilomètre cette fois, établissant un nouveau record du parcours, en 14h30. François d’Haene, lui, se sera montré à la hauteur de sa réputation et de son talent, en ramenant une deuxième place de Californie, à près d’une heure trente du vainqueur, mais sans doute satisfait d’avoir participé à l’écriture du mythe.

Plus d'infos sur :   https://www.wser.org

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *